La relation entre la France et l’Afrique en matière agricole et alimentaire est à un tournant décisif. Face aux défis croissants liés à la démographie et à l’emploi des jeunes en Afrique, ainsi qu’aux interdépendances alimentaires exacerbées par la pandémie de Covid-19, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a été mandaté pour évaluer la place de la France dans les politiques agricoles du continent africain. Le rapport de mission de conseil n°19105, publié en septembre 2021, offre un diagnostic complet et des recommandations stratégiques pour réorienter cette coopération.
La mission du CGAAER s’est appuyée sur une analyse bibliographique exhaustive et des entretiens avec quatre-vingt-dix acteurs clés, réalisés principalement en visioconférence en raison des restrictions sanitaires. Ce travail visait à comprendre l’impact de l’aide publique au développement agricole française en Afrique, ainsi que les interventions dans l’enseignement et la recherche.
Les enjeux de cette coopération sont doubles. D’une part, il y a le défi alimentaire posé par la croissance démographique rapide et le besoin crucial de créer des emplois pour les jeunes Africains. D’autre part, les interdépendances alimentaires, mises en lumière par la crise sanitaire mondiale, nécessitent une réponse coordonnée et stratégique.
L’histoire de la coopération agricole française en Afrique est marquée par une évolution significative depuis les premières indépendances africaines. Initialement inspirée par une doctrine coloniale, cette coopération s’est progressivement alignée sur les standards de l’aide internationale. Cependant, les ajustements structurels des années 80 ont dilué sa spécificité. Malgré des succès notables, la France n’a pas su maintenir une position originale et forte auprès de ses partenaires africains.
Au cours des vingt dernières années, le rôle de la France dans les politiques agricoles africaines s’est considérablement affaibli. La coopération internationale, devenue très concurrentielle et financiarisée, privilégie les approches macro-économiques et environnementales au détriment des approches sectorielles. La France, en dépit de liens historiques et culturels forts avec l’Afrique, n’a pas su répondre aux enjeux agricoles et alimentaires du continent de manière coordonnée et ambitieuse.
Pour jouer un rôle significatif dans les politiques agricoles africaines, le CGAAER propose une série de recommandations. Il s’agit avant tout de définir une vision et une stratégie commune pour le développement agricole et alimentaire, en intégrant mieux les questions commerciales et l’aide au développement. Une articulation plus cohérente entre les différentes directions d’administration centrale et les principaux acteurs de la coopération internationale, tels que l’Agence Française de Développement (AFD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), est également nécessaire.
Au niveau opérationnel, la création d’une « mission Afrique » au sein du ministère de l’Agriculture est préconisée. Cette mission serait chargée d’animer une équipe dédiée « France agricole et alimentaire », coordonnant les actions des différentes directions et travaillant en étroite collaboration avec les partenaires publics et privés français.
La France se trouve à un moment crucial où elle doit repenser et revitaliser son approche de la coopération agricole avec l’Afrique. En adoptant une vision stratégique claire et en mettant en place une coordination efficace, la France peut non seulement renforcer ses liens avec l’Afrique, mais aussi contribuer de manière significative à relever les défis alimentaires et agricoles du continent. La mise en œuvre des recommandations du CGAAER pourrait marquer le début d’une nouvelle ère de partenariat, bénéfique pour les deux parties.
Retrouvez le Rapport de mission de conseil n°19105 ici